La santé au travail passe par une vision de plus en plus large de l’homme au travail tout au long de son parcours professionnel. Les questions de l’employabilité, de la pénibilité, du maintien au travail - avec l’emploi des seniors -, des conditions psychologiques de travail, de l’apparition des maladies différées liées au travail mais aussi de l’environnement de travail renouvellent l'approche de l’aptitude mais aussi de l’obligation de sécurité de l’employeur.

Une des priorités qui sera donnée aux recherches concerne la prise en compte de la pénibilité dans la vie professionnelle et en fin de carrière des travailleurs. La pénibilité devient une problématique récurrente du droit de la santé en milieu de travail dont la prise en compte est difficile car multiforme (physique et/ou psychique). Elle impacte également le droit des finances publiques puisqu’elle constitue l’une des pistes de réflexion pour la détermination de l’âge du départ à la retraite. Cette pénibilité et plus largement les troubles psychosociaux suscités par certaines conditions de travail difficiles génèrent souffrance au travail et, parfois, conduites addictives dangereuses pour le travailleur et éventuellement ses collègues ou des tiers. Ces différentes déclinaisons de la pénibilité au travail renouvellent la question de l’aménagement des conditions de travail, de l’aptitude, de l’obligation de sécurité et, de manière générale, de tous les moyens de prévention individuelle et collective.

En outre, le problème de la souffrance au travail doit être envisagé par rapport au travailleur vieillissant. Lorsque le « travailleur usé » envisage de cesser son activité, comment la pénibilité peut-elle être prise en compte ? Quid du contenu juridique de cette notion, objet d’une négociation interprofessionnelle depuis 2005, à la veille de l’acte II de la réforme des retraites ? Si le législateur entendait privilégier, pour traduire cette pénibilité, un reclassement spécifique des seniors – en particulier pour qu'ils mettent leur expérience au service des plus jeunes –, comment traduire juridiquement ce choix, et assurer son effectivité ?

Et dès lors que l'on s'interroge sur le sort des travailleurs âges, quid de la prise en compte des expositions à des produits cancérigènes – et des questions non seulement de responsabilité mais de preuve qu'elle soulève ? Faut-il privilégier la voie de la traçabilité de ces expositions, par le biais notamment du dossier médical personnalisé, procéder à une identification génétique, centraliser des données personnelles afin de mieux les exploiter ?

Ces questions d’exposition professionnelle invitent également à s'interroger sur l’intégration des principes et concepts du droit de l’environnement aux normes protectrices du travailleur-citoyen : les normes susceptibles de protéger le travailleur jusque dans sa vie de citoyen (par exemple en prévenant les risques mutagènes ou de la reproduction, ou encore en intégrant au code du travail des règles concernant les effluents d’une usine) sont-elles en continuité et dans la logique des règles environnementales ?

Plus spécifiquement, des travaux porteront sur l’amiante et le droit social. Environ 3000 décès chaque année sont dus à des affections ou des cancers broncho-pulmonaires consécutifs à l’inhalation de poussières d’amiante, matière interdite en France depuis 1997. Le Centre de Recherche Droits et Perspectives du droit entend développer une recherche approfondie sur l’évaluation des risques et la prévention. Quelle protection est accordée aux travailleurs pour les activités de confinement et de retrait de l’amiante ? La question de la réparation est aussi au centre des préoccupations actuelles. Quelle conception de la faute inexcusable faut-il retenir ? La réparation octroyée par le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) est-elle réellement satisfaisante ? Cette thématique met en évidence l’intérêt de mener une recherche en associant à l’équipe initiale du LEREDS des chercheurs issus de l’ERDP.

La question de l'aménagement des conditions de travail des malades atteints d'une pathologie chronique ou des modalités du retour à l'emploi après un traitement lourd – comme une chimiothérapie – feront aussi l'objet de l'attention des chercheurs du Centre.

Par ailleurs, le Centre entend continuer à développer ses liens avec les universités canadiennes et européennes pour favoriser une approche internationale des problèmes liés à la continuité de la protection sociale des travailleurs en cas d’incapacité et de handicap mais également une approche comparative tant des systèmes de prise en charge des accidents de travail et maladies professionnelles que du traitement juridique de la question des addictions .

Selon le Traité de Lisbonne, l’Union Européenne doit assurer « un niveau élevé de protection de la santé humaine dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l'Union » (art. 168 TFUE). Le droit des politiques de santé constitue donc un champ de recherche non seulement extrêmement vaste mais complexe en raison de l'enchevêtrement des compétences nationales et européennes et parce qu’il couvre plusieurs titres du traité. Le besoin d'études sur les principes transversaux tels la précaution, la prévention, le risque ou sur des thèmes matériels  comme le médicament, les agences en matière de santé, etc.. est incontestable. Trois thématiques principales seront privilégiées : responsabilité, assurance et expertise médicales ; finances et santé ; droit du médicament.

  • Les règles relatives à la responsabilité médicale sont en partie propres à chacun des ordres de juridiction, en partie indifférentes à la distinction entre droit privé et droit public. C’est dire qu’une réflexion tout à la fois sur les divergences et sur les convergences en la matière est absolument indispensable. Le Centre de Recherche Droit et Perspectives du droit est parfaitement en capacité de produire des travaux qui dépassent des clivages que chacun reconnaît être assez artificiels. Il est donc indispensable de parvenir à développer des travaux communs en la matière qui devront s'étendre par la suite aux questions de l'expertise et de l'assurance en matière médicale.
  • De même, la question des règles de droit de nature à permettre le financement de la santé ne peut être traitée que par la convergence de travaux de publicistes (d’ores et déjà, le Centre accueille en son sein un des plus grands spécialistes français de la matière) et des privatistes (puisque le droit de la protection sociale est traditionnellement rattaché au droit privé).  On signalera à cet égard qu’un colloque international est prévu à Lille sur le thème du financement de la santé au printemps 2011 ; il sera organisé par le Centre de recherche Droits et Perspectives du droit, la Société française de finances publiques et l’Association française de droit de la santé.
  • Troisième thématique au cœur des préoccupations de la société et qui appelle des collaborations entre juristes de tous horizons mais aussi professionnels de santé : le droit du médicament, en particulier à l'heure du développement des médicaments génériques. Comment concilier propriété intellectuelle et accès de tous aux médicaments ? Comment favoriser la production par les génériqueurs sans sacrifier la recherche et les produits innovants ? Quelles évolutions pour les conditions de mise sur le marché des médicaments à l'heure de l'émergence de la médecine personnalisée ? Des collaborations multiples sont indispensables pour participer utilement à la recherche collective des équilibres à découvrir entre objectifs a priori divergents.