Axes de recherche 2020-2025

Direction de l’équipe René Demogue : Pr. D. Voinot et M. Eeckhoudt

Forte de l’expertise et de la visibilité acquise tant en Théorie du droit en Droit des obligations, et en droit des entreprises en difficulté, l'équipe René Demogue poursuivra ses travaux dans ces trois axes de spécialité. L’équipe René Demogue se caractérise par une ouverture vers d’autres disciplines scientifiques et cette approche se retrouve dans la composition de l’équipe qui associe juristes, linguistes, pharmaciens et gestionnaires. Cette ouverture se traduit par un travail pluridisciplinaire. Elle permet aussi à la fois de développer des travaux à forte portée sociétale, mais aussi de mener une approche plus théorique, principalement tournée vers le dialogue avec d’autres disciplines.

La méthode suivie par l’équipe a été reconduite par rapport au précédent contrat, et repose en particulier sur le financement de la recherche sur projets par des partenaires extérieurs principalement, ce qui permet à l’équipe de préserver ses modes d’actions et de diversifier ses supports de valorisation de ses recherches (publications scientifiques dans des ouvrages dédiés ou dans des revues à comité de lectures, mais aussi supports numériques via des sites ou des réseaux sociaux, etc.). La méthode associe innovation avec internationalisation et interdisciplinarité. Cette méthode permet à l’équipe à la fois de confirmer se spécificité fondée sur l’alliance d’une approche à la fois théorique et opérationnelle du droit et de renforcer la dimension interdisciplinaire et intradisciplinaire de ses travaux.

L’équipe s’articule autour de ses trois principaux pôles de recherches qui sont codirigés par des membres, et au sein desquels se développent des axes de recherches.

Pôle de recherche 1 : Théorie du droit

Direction : Pr. S. Chassagnard-Pinet et M. Paulet

L’axe de recherche a pour but (1) de démontrer l’existence d’un territoire linguistique adapté à une identité spécialisée, (2) de montrer comment cette identification offre aux utilisateurs, par son évolution structurelle constante, la possibilité de mettre en œuvre des stratégies qui ne déstabilisent pas l’acte et l’action juridique afin de calibrer les définitions sémantiques dont le droit conceptualise le sens dans ses énoncés ou usages, et (3) de mettre en exergue ces « passeurs de savoirs », ces jurilinguistes et traducteurs du droit qui relèvent sans cesse un défi pour que le langage du droit reste « à la fois savant (dans son origine) et populaire (par destination), technique de facture et civique de vocation » (Cornu 1990). Ces recherches s’orientent dans trois directions :

  • Jurisprudence visuelle. Dans notre vie quotidienne, nous vivons le droit comme un système de signes. Les représentations de la légalité se manifestent visuellement dans la matérialité des choses que nous voyons et expérimentons dans l'espace. Sur le plan méthodologique, les textes esthétiques de la légalité apparaissent sémiotiquement comme des exemples de jurisprudence visuelle, et illustrent la « valse » constitutive entre la gouvernance sociale, le droit formel et la matérialité. Dans l'esprit du rhizome de Deleuze et Guattari, le chaos visuel de l'arbre Banyan nous rappelle la variété d'un système racinaire révélant les facettes de la (dé)territorialisation.
  • Sémiotique et droit. LA sémiotique a reçu le statut qu’elle a aujourd’hui fin XXème. Elle se définit comme la science de l’étude des signes et symboles, significatifs et autres complexités. Il s’agit de savoir comment se définit « quelque chose » et l’« autre ». Les avocats, les juri-linguistes et les sémioticiens du droit sont amenés à répondre à ces questions dans de nombreux domaines, pour pouvoir remplir leur mission de clarification de la vie sociale.
  • Techniques de médiation culturelle en droit. Communiquer, c’est transférer l’information d’une culture à l’autre. Cela conduit à la conceptualisation d’un cadre commun et significatif dans le discours juridique, notamment dans les domaines de la traduction, de l’interprétation et de la communication. Un travail actif et collaboratif est alors nécessaire pour assurer la médiation, décider et analyser dans des conditions de réelles contraintes avec des défis culturels.

Pour travailler sur ces thématiques (1) des rencontres internationales annuelles ont lieu au travers des International Roundtables for the Semiotics of Law, (2) des publications se font par le biais de International Journal for the Semiotics of Law, des soumissions d'ouvrages collectifs/monographies au sein de la collection d'ouvrages Law and Visual Jurisprudence ou Law, Language and Communication.

Ce qu’il est convenu d’appeler « l’ordre juridique pharmaceutique » comprend l’ensemble des textes, législatifs et réglementaires, applicables à la profession pharmaceutique (dans sa plus grande diversité, qu’il s’agisse du pharmacien officinal ou de ses confrères hospitalier, biologiste, industriel ou grossiste-répartiteur) ainsi qu’aux produits de santé, et plus spécialement aux médicaments et aux dispositifs médicaux.

Le droit pharmaceutique inclut aussi bien des textes européens ou communautaires (plus adaptés à l’industrie pharmaceutique) que des textes strictement nationaux (surtout pour ce qui a trait à l’officine), et par ailleurs il échappe généralement à la summa divisio entre droit public et droit privé étant donné qu’il peut concerner aussi bien des aspects liés aux politiques de santé menées par l’Etat que des aspects relatifs à la propriété intellectuelle tel le droit des brevets. Ces différents thèmes ont d’ores et déjà fait l’objet d’un colloque organisé en mai 2023 puis d’une publication des actes qui en résultent, en février 2024 et sous la forme d’un ouvrage intitulé Panorama de droit pharmaceutique 2023 paru aux Editions LEH.

Dans un souci de veille réglementaire permanente, nous envisageons dans les quatre prochaines années d’approfondir certaines notions telles « le Code de déontologie pharmaceutique », à travers des analyses jurisprudentielles ordinales pharmaceutiques, des réflexions éthiques (notamment sur l’absence de clause de conscience au bénéfice du pharmacien) ainsi que sur « le caractère normatif et contraignant des pharmacopées officielles » telle la Pharmacopée européenne (dans ses éditions et suppléments les plus récents) ainsi que la Pharmacopée française (et ses projets de nouvelles monographies appelés Notes techniques Pro Pharmacopoea.

Le mouvement Droit & Littérature est en pleine construction en France. Une véritable discipline est en gestation. Il s’agit ainsi d’en analyser l’émergence et la fécondité. Un premier axe, d’ordre épistémologique, tend à réfléchir aux conditions de possibilité d’un tel mouvement : sources, méthodes, situation dans l’arbre de la connaissance. Le second axe concerne les fruits de cette discipline, les perspectives dégagées. Et de ce point de vue, deux pistes sont à explorer : le droit peut en effet être considéré sous l’angle littéraire et, réciproquement, la littérature peut être considérée sous un angle juridique. Qu’il s’agisse du droit dans, par, à ou de la littérature, les voies sont innombrables.

De manière plus générale, le mouvement entend renouveler avec une approche humaniste du phénomène juridique. A cet égard, l’ambition revêt plusieurs dimensions : philosophique (contre une approche purement technicienne du droit), méthodologique (contre une approche purement cloisonnée du droit), pédagogique (contre un immobilisme des manières d’enseigner le droit).

Le développement de ce projet pourra notamment s’appuyer sur l’édition de la revue Droit et Littérature mais donnera également lieu à la rédaction d’un ouvrage sur ce même thème.

Pôle recherche 2 : Droit des obligations

Direction : Pr. G. Chantepie et M. Mille

Les recherches menées par l’équipe dans l’axe Contrats conduisent les membres à questionner la relation entre droit commun et droits spéciaux notamment à partir des projets de réforme à venir du droit des contrats spéciaux, ou à partir de pratiques liées par exemple au numérique. Par ailleurs, est analysée la relation entre droit des contrats et droit de la concurrence, la thématique étant étudiée sous l’angle des défis actuels de la société (numérique, aspects environnementaux du droit privé) et sous l’angle pharmaceutique.

L’importance du droit des contrats permet aussi le dialogue avec d’autres disciplines, comme la finance notamment grâce au partenariat avec le Centre de recherches de l’IAE, et le double Master Finance et droit. C’est aussi le cas avec l’économie, avec l’analyse économique du droit qui peine à convaincre en France mais qui ne mérite peut-être ni l’excès d’honneur de ses thuriféraires ni l’excès d’indignité de ses contempteurs.

La responsabilité civile est un domaine de recherche à part entière dans lequel s’inscrivent les membres de l’Equipe René Demogue. Cet axe permet à la fois de contribuer aux recherches menées sur cet autre aspect important du droit des obligations, mais aussi de s’intéresser à des questions assurantielles. Côté formation, cet axe se trouve en relation directe avec le Master de droit privé approfondi, dirigé par Mme le Pr. L. Vitale, permettant une indéniable animation via des travaux de jeunes chercheurs et nourrissant la réflexion autour de travaux doctoraux.

Pôle de recherche 3 : Défaillance économique

Direction : Pr. V. Bourgninaud et B. Ghandour

La défaillance des entreprises conduit l’équipe à s’intéresser au droit des entreprises en difficulté. La question du critère de la défaillance des entreprises intéresse les membres, tout autant que la délimitation des contours de la notion de défaillance, grâce à un projet de recherches soutenu par l’IERDJ. Les membres de l’équipe qui s’intéressent à la question sont régulièrement amenés à publier au sein de la revue de l’actualité des procédures collectives, que B. Ghandour codirige avec le Laboratoire ICREJ de l’Université de Caen. En termes de formation, l’axe de recherches se trouve en relation avec le Master de droit des affaires de la Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales, et participe également à la formation des juges du tribunal de commerce, ou encore aux sessions de formation continue de l’ENM. Des travaux doctoraux en cours ne manquent pas de venir alimenter la réflexion des chercheurs. La thématique de la défaillance des entreprises semble aussi très indiquée pour le dialogue entre les disciplines. Linguistes, historiens, économistes ou sociologues s’associent alors à certains projets pour éclairer la notion de défaillance du point de vue de leurs domaines de spécialité.

Le concept de défaillance du marché, difficile à cerner avec précision, renvoie à l’idée selon laquelle le marché n’atteint pas toujours l’objectif d’efficacité économique d’une société, soit en raison de défaillances ponctuelles causées par des comportements anticoncurrentiels d’opérateurs économiques, soit en raison de défaillances structurelles du marché. La politique de la concurrence et la réglementation économique constituent deux outils complémentaires pour remédier à ces défaillances.

Les défaillances du marché apparaissent dans nombreux secteurs : la santé, l’environnement, l’économie numérique, l’innovation… 

Certains de ces thèmes ont d’ores et déjà fait l’objet de colloques multidisciplinaires qui ont permis de réunir des universitaires de droit, des économistes, des professionnels et des représentants d’institutions variées.

Nous envisageons dans les quatre prochaines années d’approfondir individuellement et collectivement l’analyse des secteurs étudiés jusqu’à présent et d’élargir la réflexion à d’autres secteurs.

La relation commerciale correspond à la relation, faite d’une pluralité de contrats, nouée entre les professionnels dans le cadre de la commercialisation de produits ou de services envers le consommateur. Distribution physique et numérique sont ainsi le creuset de ces relations commerciales. Sources de pratiques parfois critiquables parce que déloyales, ces relations peuvent être amenées à défaillir, amenant alors le juriste à devoir regarder si la relation mérite d’être sauvée ou doit plutôt cesser, soit à choisir entre l’exécution forcée et la rupture anticipée du contrat. La relation commerciale concerne aussi bien évidemment la relation nouée par le professionnel avec des consommateurs, dont on sait qu’elles ont tendance, à rebours d’une conception classique du droit de la consommation, à plutôt s’étendre dans le temps, notamment pour correspondre aux évolutions de la société, et dans une perspective circulaire qui impose une véritable relation entre le consommateur et le professionnel. La question de la défaillance de ces relations commerciales ouvre un champ de recherches entre solution à la défaillance et poursuite de la relation ou terme de la relation. La question est parfois au cœur des préoccupations du législateur, comme dans les relations entre plateformes en ligne et professionnels ou dans les relations soumises au Livre IV du Code de commerce, mais elle est moins abordée s’agissant des consommateurs.