Nouvelles collaborations économiques

Animation : Denis Voinot

L’axe Nouvelles collaborations économiques a pour origine les programmes de recherche sur l’économie collaborative (Fondation Maif, Laboratoire International Associé « 3 L » UD Lille, KU Leuven, UC Louvain) portés par l’équipe René Demogue dans le cadre du précédent contrat.  Si cette équipe a joué le rôle d’incubateur en ce domaine, elle est également parvenue au constat que le développement international et interdisciplinaire de ses recherches nécessitait l’apport de chercheurs dans différentes disciplines juridiques ainsi que dans d’autres secteurs scientifiques. Il est donc apparu logique de s’appuyer sur l’ensemble des forces vives du CRD&P afin de dépasser la seule dimension contractuelle de l’économie collaborative et ceci, en réfléchissant à la création d’un nouvel axe transversal de l’unité intégrant ce thème : nouvelles collaborations économiques.

Cet intitulé d’axe est lié à la digitalisation du monde et à la formidable créativité en résultant qui a fait apparaître des espaces collaboratifs nouveaux (plateformes internet, blockchain, etc.). Le nombre de personnes, particuliers ou professionnels, susceptibles d’entrer en contact en un temps éclair a ainsi cru d’une façon vertigineuse et l’usage du numérique a conduit à des pratiques relationnelles innovantes et prometteuses sur le plan économique. Ces « Nouvelles collaborations économiques », parce qu’elles bousculent les ordres juridiques établis, interrogent les juristes et, au-delà, les spécialistes d’autres secteurs scientifiques (économistes, gestionnaires, sociologues, psychologues, etc.). Dans cet axe de recherche seront ainsi étudiées les conséquences fondamentales (ex. délaissement de la propriété pour l’usage) et opérationnelles (patrimonialisation de la confiance ; approche renouvelée de la notion d’entreprise, adaptation de la fiscalité, prévention des risques, etc.) de cette évolution et ceci dans le cadre de deux sous-axes : l’économie collaborative, d’une part, les monnaies alternatives, d’autre part.

Économie collaborative

Le sous-axe « Économie collaborative » repose sur un acquis et laisse entrevoir des perspectives de recherche intéressantes.

L’acquis, c’est l’observatoire international de recherche sur l’économie collaborative créé par les trois équipes de recherche représentant respectivement les universités de Lille, Leuven et Louvain et ceci dans le cadre du laboratoire associé international 3L. Cet observatoire regroupe plusieurs programmes de recherches propres à chaque université mais aussi des contributions communes le tout étant centralisé sur le site http://www.rosels.eu, avec pour thème commun, l’économie de partage. Quant aux perspectives, elles sont d’abord internationales puisqu’il s’agit de conduire des recherches avec des collègues d’autres Etats s’intéressant à l’économie collaborative. Elles sont aussi, et ensuite, interdisciplinaires puisqu’il s’agit d’associer des chercheurs relevant d’autres disciplines que le droit (économie, gestion, psychologie, etc.). Sur le plan de la méthode l’objectif est de remporter des appels d’offres en travaillant par projet, en traitant de questions fondamentales tout en ne négligeant pas la recherche appliquée. Des partenariats sont envisagés avec les opérateurs économiques œuvrant au sein de l’économie collaborative (à l’instar des liens noués avec Maif Social Club dans le précédent contrat). Sur le fond, seront abordées des questions fondamentales ayant trait, par exemple, à l’usage, à la désintermédiation, etc., ou opérationnelles (conséquences de la relation numérique sur les institutions juridiques connues). Cela peut concerner les rapports de travail et le statut des travailleurs de l’économie de partage, la requalification des relations contractuelles, les implications en matière de fiscalité, d’assurance, etc, ou encore des questions plus techniques comme, par exemple, les systèmes d’évaluation des plateformes en ligne par les utilisateurs (avis en ligne), etc.

Seront aussi abordées les implications environnementales à travers l’économie circulaire, l’économie collaborative étant un sous-ensemble de cette dernière. Le dépassement de l’économie linéaire « je produis, je consomme, je jette » par un recours à l’usage partagé des choses, et notamment les objets connectés, pose en effet de nouvelles questions aux juristes en particulier sur la notion de consommateur ou encore sur les régimes de responsabilités civiles et pénales applicables. Des thèmes très novateurs seront ainsi abordés comme la vente de l’usage des biens ou son pendant le « pay per use » et bien d’autres encore. Sur le plan normatif, la portée de la recherche est mondiale, tous les Etats ou communautés d’Etats s’y intéressent en raison de la combinaison possible d’intérêts légitimes comme la protection de l’environnement et l’efficience économique.

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Monnaies alternatives

Depuis quelques années de nouvelles monnaies sont apparues échappant au contrôle des Etats qui en sont les émetteurs traditionnels. L’exemple le plus connu est bien sûr celui du bitcoin. Si des justifications positives sont avancées à l’appui de ce mouvement, il n’en reste pas moins que la face sombre des monnaies alternatives interroge forcément, et en particulier le droit, gardien de l’utilité publique et du bien commun. Nombreuses sont les branches juridiques à être concernées et des questions multiples se posent. Les monnaies locales ne sont-elles pas attentatoires à la souveraineté de l’Etat, la monnaie étant perçue comme un des instruments régaliens par excellence ? Les collectivités auraient-elles seulement les moyens de développer en toute légalité des initiatives monétaires locales, de sorte à redynamiser un réseau de production et de distribution sur le territoire qu’elles administrent ? Du côté du droit de la concurrence, n’y a-t-il pas une analyse critique à mener quant aux conditions d’accès non faussées des producteurs et commerçants aux systèmes monétaires locaux ? Quel statut réserver à l’émetteur de monnaie alternative, et comment le code monétaire et financier permet-il de tracer les frontières de la légalité entre l’émission de moyens de paiements licites et l’émission de monnaies illicites ? Toutes ces interrogations, et bien d’autres encore, seront au cœur de ce sous-axe qui touche de très nombreuses branches du droit (droit des nouvelles technologies, droit des collectivités locales, droit monétaire et financier, droit des biens, droit de la concurrence, droit pénal…). Sur le plan de la méthode, le thème des monnaies alternatives pourrait notamment donner lieu à des enquêtes quantitatives ou qualitatives, tout comme à des approches économétriques. Les perspectives de recherche restent, quoi qu’il en soit, très ouvertes. D’un point de vue structurel, l’idée est de constituer une équipe de travail, sans pour autant instituer de leadership autour d’une personne ; ce sous-axe pourrait ainsi se concevoir comme un collectif « Monnaie alternative » au sein du CRDP, l’essentiel étant que ce groupe de chercheurs maintienne une activité constante sur le prochain quinquennal et concrétise ses initiatives par divers livrables (organisation et participation à des colloques, conférences ou séminaires ; réponses à appels à projets ; initiatives de publications individuelles ou collectives…).

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