La liberté de conscience, les dérives sectaires et le droit de la santé
LERADP Soutenance de thèsePrésentation
A l’heure où nous devrions confier notre santé entre les mains de professionnels reconnus, administrant des soins dont la qualité et l’efficacité ont été approuvées par le corps scientifique, il apparait que quatre français sur dix ont déjà eu recours à une médecine considérée comme « hors conventionnelle ». Ces chiffres, qui émanent de la Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires (MIVILUDES), pourraient être le reflet d’une société qui remet en cause les réalités scientifiques et leurs méthodes, au profit d’autres pratiques.En France, on nous propose de garder la main mise sur notre corps, notre santé, notre vie, on nous promet de vivre plus longtemps, de vaincre toutes les maladies, en d’autres termes, de consommer le soin. Les dérives dans le domaine médical ont toujours existé ; elles ont souvent pour origine l’appât du gain ou la volonté d’embrasser le pouvoir qui découle de ces professions, mais dans tous les cas, elles sont permises grâce à une insuffisance de contrôle à certains niveaux et un manque de clarté dans les définitions, permettant à qui le veut de s’y engouffrer. La MIVILUDES indique ne pas disposer de définition juridique mais uniquement d’une définition factuelle : « La dérive sectaire est un dévoiement de la liberté de pensée, d’opinion ou de religion qui porte atteinte aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l’intégrité des personnes, à l’ordre public, aux lois ou aux règlements. Elle se caractérise par la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, quelle que soit sa nature ou son activité, de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre, avec des conséquences dommageables pour cette personne, son entourage ou pour la société.» Cette définition soulève deux interrogations, la première, quant à la qualification et la deuxième, quant à la sanction. Concernant la première, nous pouvons préciser que la MIVILUDES a une mission d’observation et d’analyse de ces dérives, relayée par le Préfet du département. Il appartient naturellement au législateur de poser les bases légales, cependant, ce dernier est retenu notamment par la loi relative à la laïcité et par la Convention Européenne des Droit de l’Homme, pour pouvoir donner une qualification précise de la dérive sectaire. Le pouvoir judiciaire arrive en dernier ressort. A défaut d’infraction précise, le juge pénal se base souvent sur le délit d’abus de faiblesse de l’article 223-15-2 du Code Pénal afin de sanctionner les dérives en matière de santé, punissant d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000€ d’amende. C’est donc le magistrat qui appréciera selon les cas et de manière détournée si les faits de dérive sectaire peuvent être qualifiés d’abus de faiblesse, d’escroquerie aggravée en bande organisée, etc. Mais ce n’est pas au titre de dérive sectaire que l’on sanctionne. Autrement dit, on ne sanctionne que les conséquences des actes, dès la réalisation de l’infraction - la tentative d’abus de faiblesse n’étant pas sanctionnée - il est déjà trop tard pour la victime/patient. On constate donc de nombreuses lacunes dans notre système juridique lorsque l’on évoque la notion de « dérives sectaires », notamment dans le domaine de la santé. Mais le droit s’adapte; il est une photographie de la société à un moment donné. Il faut donc créer les définitions lorsqu’elles manquent, permettant d’envisager un système plus efficace et coercitif incluant la participation d’un ensemble d’acteurs dédié à la lutte des dérives sectaires, pour envisager la création de textes spécifiques dans le domaine de la santé qui seraient inclus dans les codes de loi, car, sans pousser l’idée au maximum, en matière criminelle : « il n’y a qu’un texte formel qui puisse fonder l’action du juge, il faut des lois précises et point de jurisprudence ».
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